Interview de Patrick Jarry

Interview de Patrick Jarry

« Les moyens que nous demandons au gouvernement pour compenser les pertes dues à la crise seront dépensés utilement et la population en sera bénéficiaire.»

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Quand on parle des conséquences économiques de la crise, on pense bien sûr aux commerces, aux cafés et restaurants, aux salles de spectacle. Mais quel est l’impact pour les communes ?

Il est énorme. Et plus la commune développe une politique sociale, plus les conséquences sont lourdes. C’est le cas de Nanterre. Nous sommes face à deux problèmes : des dépenses en plus et des recettes en moins. Les dépenses en plus, ce sont par exemple 250 000 masques, le gel, le protocole sanitaire dans les écoles, l’achat de tests, les postes médicaux avancés, les repas supplémentaires portés à domicile, les aides sociales d’urgence, les personnels vacataires que nous avons payés même quand ils étaient dans l’impossibilité de travailler, et bien d’autres nécessités. Là, c’est 6 millions d’euros. Les recettes en moins, ce sont par exemple les droits de terrasse des cafés et restaurants, les inscriptions en baisse dans les activités périscolaires, le conservatoire, les cantines. C’est aussi ce que nous touchons des transactions mobilières qui a fortement diminué. Au total, c’est une perte de 5 à 6 millions d’euros.

Mais vous avez reçu des aides de l’État et du département, non ?

Oui, mais très loin du compte. Nous avons reçu 1 million d’euros du département et environ 250 000 euros de l’État, ainsi que des financements de l’Agence régionale de santé et de la région. Ce n’est pas rien, mais nous sommes très loin de l’équilibre, comme l’a indiqué mon adjoint aux finances, Samir Abdelouahed, lors du dernier conseil municipal. Toutes les communes qui se sont fortement engagées dans cette crise partagent le même constat. Le compte n’y est pas. C’est même l’inverse. En 2021, nous n’aurons plus du tout de dotation de l’État alors qu’elle était de 18 millions il y seulement huit ans. Et crise ou pas, nous devrons payer plus de 30 millions d’euros aux deux fonds de soutien aux communes qui ont moins de rentrées fiscales que nous. Ce système, qui fait qu’un habitant de Nanterre verse trois fois plus qu’un habitant de Neuilly à la solidarité entre communes, reste profondément injuste. Je n’ai cessé d’en demander la réforme.

Qu’est-ce que le plan de relance du gouvernement a prévu pour les communes ?

Pour le moment, quasiment rien. 1 milliard sur 100 en faveur des quartiers populaires. Et encore, il a fallu que nous, les maires des villes de banlieue, nous nous mobilisions pour obtenir ce premier soutien, qui doit notamment aider des secteurs comme la culture et le sport. Avec les deux élus qui ont en charge ces délégations, Lucie Champenois et Hakim Allal, nous serons très actifs pour que les associations concernées accèdent à ces aides. C’est donc positif. Mais ce qui est totalement incompréhensible, c’est que les communes ne fassent pas partie du plan de relance. C’est un mauvais choix et j’espère qu’il sera corrigé dans les semaines qui viennent. Car aider les communes à passer ce cap difficile, c’est aussi aider à la relance du pays. Les moyens que nous demandons pour compenser les pertes dues à la crise seront dépensés utilement et la population en sera bénéficiaire.

L’un des secteurs les plus impactés est le commerce. Quelle est l’action de la ville dans ce domaine ?

Beaucoup de commerces sont en souffrance. Les cafés et restaurants sont les plus touchés. Le risque de nombreuses faillites est réel. Tout ce que nous pouvons faire, nous le faisons, et mon adjoint au commerce, Rachid Tayeb, est très mobilisé. Déjà, nous avons accordé la gratuité des droits de terrasse des cafés et restaurants. La ville et l’office HLM ont aussi accepté les demandes d’étalement ou de report de loyer des commerces installés dans des locaux qui nous appartiennent. Nous avons demandé aux autres bailleurs d’avoir la même attention. Nous participons également aux deux fonds de soutien mis en place par les 11 communes de Paris Ouest La Défense et par la métropole. Nous avons créé un marché de Noël virtuel pour promouvoir les commerçants locaux, et nous avons mené une campagne de communication pour inciter les Nanterriens à réserver leurs achats dans les commerces locaux à l’occasion des fêtes.

Cette situation difficile risque-t-elle de freiner l’installation de nouveaux commerces de proximité ?

Nous allons tout faire pour l’éviter. Mais je reste confiant. Nanterre est une ville très attractive pour le commerce et l’artisanat. En 2020, dans le seul quartier Université, il y a eu l’ouverture de dix salles de cinéma, d’une librairie, d’un chocolatier. Au Parc Sud, le Carrefour Market de l’avenue Picasso a rouvert après l’incendie de l’été dernier. Dans le centre, nous avons deux primeurs qui se sont installés et un traiteur issu de l’économie sociale et solidaire. Deux magasins Aldi vont ouvrir prochainement aux Fontenelles et au Petit-Nanterre. Et au Chemin-de-l’Île, le nouveau centre commercial ouvrira cette année.