Enseignant-chercheur, spécialiste du logement social et auteur d’une thèse sur le sujet, Matthieu Gimat a donné une interview à l’occasion du 82e Congrès HLM fin septembre. « L’essentiel de la production de logement social neuf est pris en charge par des prêts », rappelle-t-il. Notamment ceux accordés par la Caisse des dépôts et consignations qui gère les livrets d’épargne des Français. Mais « les prêts ne couvrent pas et historiquement n’ont jamais couvert 100 % du coût des opérations, explique l’universitaire. On avait en effet des subventions apportées par l’État, par les collectivités locales et, dans une moindre mesure, Action logement. Depuis les années 2000, ces subventions ont beaucoup baissé. » Concrètement, aujourd’hui à Nanterre, la ville est la seule à subventionner la construction de logements sociaux. Les évolutions de la loi ont également joué un rôle direct sur la production : « On l’a vu au cours du dernier quinquennat, avec un moment de pression intense sur le secteur HLM en 2017-2018 avec la réduction de loyer de solidarité (RLS) et la loi Élan, suivi d’un discours un peu plus nuancé ensuite. Le gouvernement a pu donner l’impression qu’il se rendait compte qu’il avait tapé un peu fort, en constatant les effets en cascade de la RLS sur le volume de logements sociaux produits [NDLR, baisse drastique : de 30 000 en 2017 à 20 000 constructions sociales neuves en Île-de-France, par exemple], les dynamiques de la promotion immobilière et l’activité dans le secteur du bâtiment. » Depuis plusieurs décennies, l’État a incité massivement à la construction de logements privés ou à l’investissement locatif, sans réel impact ni sur les prix ni sur la qualité des logements livrés. Or, il y a urgence à produire des logements correspondant aux besoins de nos concitoyens, en matière de coût et de qualité de vie. Sur les logements HLM notamment, le chercheur n’y va pas par quatre chemins, et pointe la responsabilité de l’État : « Je crois qu’il y a un mythe actuellement dans la façon dont l’action publique est menée, selon lequel on pourrait produire du logement abordable sans mettre d’argent public pour ce faire, en captant les fonds d’investisseurs privés ou l’épargne des ménages les plus aisés. Il me semble que ce que montre l’histoire du logement social en France, c’est que tant qu’il n’y a pas un acteur tel que l’État qui arrive à mettre des sommes très importantes, on n’arrive pas à avoir une production de logements abordables en quantité suffisante. » La balle est donc dans le camp du gouvernement.
Dossier : Logement
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Sans l’État, pas de logements abordables en quantité suffisante
Écrit par : Olivier Ruiz
