Culture

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Photographe engagé

Écrit par : Catherine Portaluppi

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Pour sa première exposition temporaire, La Contemporaine rend hommage à Élie Kagan, le témoin du massacre du 17 octobre 1961. L’occasion de redécouvrir ce photographe militant qui a laissé beaucoup d’images de manifestations politiques ou syndicales, mais aussi de célébrités, petits métiers de paris et jolies parisiennes…

Des visages ensanglantés, des corps étendus, des hommes parqués sur un quai de métro mains en l’air. On connaît bien ces images éprouvantes, les rares témoins de l’horreur du 17 octobre 1961. Une trentaine de clichés qui ont permis à leur auteur, Élie Kagan, d’obtenir cette année-là sa première carte de presse. On les retrouve bien sûr dans cette première exposition temporaire de La Contemporaine. Car le fonds Kagan est l’un des plus importants de la bibliothèque musée : 200 000 photos, surtout des négatifs et des planches-contacts. « Ce fonds, donné à sa mort par ses filles, n’avait jamais été exposé, explique Cyril Burté, responsable des archives audiovisuelles à La Contemporaine et commissaire de l’exposition avec Audrey Leblanc, historienne de la photo. Nous voulions montrer l’importance de son travail. C’était un photographe de la foule, du collectif, et ses clichés qui documentent les années 1960-1990 sont devenus de véritables sources historiques. » Né à Paris le 26 mars 1928, d’origine juive polonaise, Élie Kagan échappe de peu aux rafles antisémites. Jeune homme, il cherche sa voie, entre poèmes et dessins – quelques-uns au joli trait de plume sont exposés –, et se lance dans la photo en 1957. Très engagé, il collabore à Témoignage chrétien, Tribune socialiste, Rouge, Droit et Liberté, où travaille sa femme journaliste, Marguerite Langiert. Il participe aussi en 1963 au lancement de la revue Révolution africaine, créée par Jacques Vergès à Alger. Juché sur l’escabeau qu’il trimballe partout, il suit les mouvements contestataires de l’époque et photographie banderoles, tags racistes ou inscriptions antisémites. Il s’engage d’ailleurs auprès des époux Klarsfeld dont il documente toutes les actions à partir de 1971. Élie Kagan est en outre un homme de portraits : hommes politiques (Michel Rocard tout jeune), personnalités (Martin Luther King), actrices (Catherine Deneuve, encore brune) mais aussi « clochards » comme on disait alors, bouchers, éboueurs. Et beaucoup de jolies passantes ! Bref, une expo pour en savoir plus sur ce grand talent doublé d’une grande gueule, reconnaissable de loin avec sa casquette posée sur sa grosse tignasse rousse, militant rigolard et espiègle.

Élie Kagan, photographe indépendant 1960-1990 : du 19 janvier au 8 mai à La Contemporaine (184, cours Nicole-Dreyfus). Tél. : 01 40 97 79 00