C’est un personnage tragique, cabossé très jeune par la vie, aux prises de position radicales, mais surtout une artiste qui vivait par et pour l’écriture, que Christophe Rauck met en scène dans son dernier spectacle au théâtre des Amandiers. Au départ, en 2006, il y a un roman, La Faculté des rêves de Sara Stridsberg, une écrivaine suédoise. Un livre consacré à Valérie Solanas, artiste new-yorkaise inclassable des années 1960 : autrice du pamphlet Scum Manifesto qui prônait l’éradication des hommes, mais aussi enfant violée, mère de deux enfants avant ses 15 ans, prostituée pour payer ses études, ayant tiré sur Andy Warhol en juin 1968, déclarée irresponsable puis apte à être jugée, finalement emprisonnée et internée. « Valérie Solanas est très connue aux États-Unis, en particulier pour sa tentative de meurtre sur Andy Warhol explique Christophe Rauck. La Faculté des rêves est un roman fascinant, une tragédie américaine telle qu’on ne peut l’imaginer en Europe, centrée sur un personnage complexe, une militante frôlant la clochardisation, une intellectuelle qui se prostitue.
Sara Stridsberg porte un regard sur les femmes mais ce n’est pas un spectacle militant pour autant. J’aime la violence, la crudité et la brutalité qui existent dans son écriture très contemporaine, elle est plus sèche, plus à fleur, plus proche de nous. » « Ce personnage est intéressant pour ses prises de position sur le patriarcat même si elles étaient trop radicales, raconte Cécile Garcia-Fogel, la comédienne qui incarne Valérie Solanas. Ce rôle n’est pas facile, à cause de sa vie glauque, des viols subis, de sa mère minable qui a détruit ses œuvres après sa mort. Mais l’artiste est plus forte que sa vie. Malgré la fange où elle a été traînée et éduquée, elle a réussi à créer ! » Un destin de femme qui « vous fait rêver de crasse et de roses », comme l’écrit Sara Stridsberg.
La Faculté des rêves, mise en scène Christophe Rauck, adaptation et dramaturgie Lucas Samain. Du 17 mars au 8 avril à Nanterre-Amandiers.