À Nanterre, l’offre culturelle est très riche.
Alors, autant en profiter !
Dans la classe d’Estelle Fleuridas, les enfants parlent coréen, arabe, portugais, anglais, moldave ou encore tibétain. Arrivés depuis peu en France, ils ont beaucoup de choses à découvrir : notre langue bien sûr, mais aussi les codes culturels de leurs camarades, le système scolaire français, la nourriture de la cantine, les jeux dans la cour de récréation... Pour les aider à « entrer dans le bain », l’Éducation nationale a mis en place des classes spécifiques, nommées UPE2A (Unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants). À Nanterre, il en existe quatre dans les écoles primaires. Ce nouveau dispositif rassemble les enfants non-francophones dans une même classe durant un an. Le but ? Leur apprendre la langue française avant d’intégrer une classe correspondant à leur âge.
Estelle Fleuridas a choisi d’enseigner en UPE2A il y a deux ans, après plus de dix années passées dans plusieurs écoles élémentaires et maternelles de Nanterre. « Je me suis retrouvée face à vingt enfants âgés de six à onze ans, un peu comme dans une classe de campagne », explique‑t‑elle. La diversité des origines, des milieux sociaux et des parcours des enfants l’a immédiatement passionnée. À chaque fois qu’elle accueille un nouvel élève dans l’école Abdelmalek‑Sayad, Estelle Fleuridas prend le temps de discuter avec la famille. « Je reçois les parents et l’enfant après la classe, pour m’imprégner de leur histoire, pour savoir si l’enfant a déjà été scolarisé, s’il sait lire et écrire sa langue maternelle, si les parents ont choisi ou non d’émigrer en France… »
L’enseignante est convaincue qu’en associant au maximum les parents, en faisant d’eux des partenaires, les enfants parleront plus rapidement le français. Lors des ateliers de cuisine qu’elle organise à l’école, Estelle Fleuridas convie ainsi les familles à venir préparer des recettes de leurs pays. « C’est comme ça que j’ai découvert des plats ouïghour et ingouche, précise la professeure des écoles. J’avoue qu’auparavant je ne connaissais pas ces deux peuples. La cuisine est un bon moyen pour découvrir les richesses des autres. »
Un souvenir inoubliable
Notre professeure est également persuadée que la culture aide les enfants à se projeter dans la langue française. Tout au long de l’année, elle conduit donc plusieurs initiatives artistiques : chorale, initiation à la danse contemporaine, spectacles de la Saison jeune public, projections au cinéma Les Lumières, visites à l’espace d’art La Terrasse, séances lecture à la médiathèque... « À Nanterre, l’offre culturelle est très riche. Alors, autant en profiter ! » En juillet dernier, elle a carrément réussi à emmener cinq enfants et une maman au festival d’Avignon. « Grâce à la ville de Nanterre et à l’association Scènes d’enfance ASSITEJ, nous sommes partis quatre jours à Avignon. Les familles ont eu seulement 20 euros à débourser par enfant. » Sur place, ils ont été reçus par Olivier Py, le directeur du festival, dans la cour d’honneur du Palais des papes. Des comédiens les ont également accueillis dans leurs loges. « C’est une expérience inoubliable. Les enfants ont été très touchés par les cinq spectacles qu’ils ont vus. Nous garderons tous un merveilleux souvenir de ce séjour. »
Quand Estelle Fleuridas part à Avignon avec ses élèves, elle le fait sur ses congés estivaux. Elle fait partie de ces profs qui ne comptent pas leurs heures, qui vivent leur travail comme une passion. « J’ai la chance d’exercer un métier que j’ai choisi. L’ascenseur social a fonctionné pour moi. Je viens d’un milieu populaire, mon père était boucher et ma mère caissière. Quelque part, je me sens proche des enfants que je retrouve en classe à Nanterre. » Sensible aux pédagogies dites « nouvelles » (méthode Freinet, théorie des intelligences multiples), elle expérimente sans cesse pour mettre les enfants sur de bons rails. Se documenter sur son temps personnel pour comprendre la construction grammaticale des langues maternelles de ses élèves ne lui fait pas peur. Elle ne le dit pas, mais les huit jours de formation proposés par l’Éducation nationale ne suffisent pas vraiment pour encadrer une classe UPE2A.
« J’apprends de mes expériences, comme tous les enseignants. Et je me rassure en regardant les études qui montrent que les élèves allophones figurent très souvent parmi les meilleurs lorsqu’ils intègrent leur classe d’âge ! »