1949 Naissance à Fresnes
1970 Agrégation de géographie
1996 Thèse d’histoire contemporaine
2009 Professeure à l’université de Nanterre
2016 Sortie du livre En finir avec les bidonvilles
Sa bibliographie
Histoire de l'immigration, 2000, La Découverte, 128 pages, 10 euros.
En finir avec les bidonvilles, 2016, Publications de la Sorbonne, 396 pages, 25 euros.
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Ils font Nanterre
Les clés de l’immigration
Écrit par : Guillaume Gesret
Marie-Claude Blanc-Chaléard, professeure émérite de l’université Paris-Nanterre, vient de signer un livre sur les bidonvilles et la politique du logement. Cette historienne, spécialiste de l’immigration en France, porte un regard passionnant sur notre histoire, en particulier sur celle de Nanterre.
Marie-Claude Blanc-Chaléard s’intéresse aux parcours et à l’intégration des immigrés qui ont posé successivement leurs valises en France au XXe siècle. Son ouvrage Histoire de l’immigration, paru en 2000, est devenu une référence. À la fois pour les universitaires, mais aussi pour le grand public amateur d’histoire contemporaine. « Ce sujet me passionne depuis que j’ai effectué une thèse sur les immigrés italiens de la région parisienne », explique-t-elle.
En arrivant à l’université de Nanterre en 1999, elle commence à se plonger dans l’histoire de l’immigration algérienne et à tourner les pages peu glorieuses de celle des bidonvilles. « L’université et la municipalité de Nanterre menaient alors un important travail de mémoire sur les bidonvilles des Pâquerettes. J’ai rejoint ce groupe et participé aux séjours et aux échanges avec le village de Guemar en Algérie. Une aventure formidable ! »
L’historienne a ainsi recueilli des dizaines de témoignages sur les bidonvilles, archives qui sont d’ailleurs consultables à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) située sur le campus. À l’occasion des 50 ans du massacre du 17 octobre 1961, Marie-Claude Blanc-Chaléard a été invitée, avec Monique Hervo, pourfendeuse des bidonvilles et auteure de nombreux ouvrages sur le sujet, à la Maison de la musique pour animer un colloque qui a marqué les esprits. « Contrairement à Monique, je ne suis pas militante. J’admire l’engagement des activistes, mais je crois que je suis trop lente. Je préfère enseigner, faire des enquêtes de terrain et publier mes travaux de recherche. »
Aujourd’hui, Marie-Claude Blanc-Chaléard ne donne plus de cours. Elle profite de sa retraite, pardon de son statut d’émérite, pour s’occuper de ses petits-enfants, de son père et accessoirement de sa maison secondaire en Normandie. La sortie de son livre En finir avec les bidonvilles l’a quand même propulsée sur le devant de la scène l'année dernière. Jean Lebrun l’a ainsi invitée en mars à participer à son émission 2000 ans d’histoire, diffusée sur les ondes de France Inter. En octobre, elle était invitée aux Rendez-vous de l’histoire de Blois où une table-ronde réunissant des chercheurs a tenté d’établir un parallèle entre les bidonvilles et les camps de réfugiés de Calais. « Je me suis intéressée à la résorption de la jungle. Cela a mis du temps, mais je considère que le gouvernement a tiré les leçons en travaillant avec les associations et en étant moins brutal qu’avec les Algériens. »
Les erreurs du relogement
L’historienne a en effet souvent dénoncé le sort réservé par l’État français aux Algériens. « Il y a eu une obsession algérienne de la part des gouvernements dans les années 60, en raison du rapport colonial et de la guerre d’Algérie. Les Algériens ont eu le droit à une politique de relogement spécifique. Les Italiens quelques années auparavant, ou les Portugais à la même époque, n’ont pas été traités de la même façon. »
Dans son ouvrage, Marie-Claude Blanc-Chaléard décrypte avec beaucoup de précision la politique de résorption des bidonvilles et de relogement des populations. « Nanterre a été un laboratoire. Cette ville était un banc d’essai à l’époque. » Elle y analyse aussi l’échec de la construction des grands ensembles, comme aux Canibouts, et des cités de transit comme celle de Gutenberg, rebaptisée la Cité blanche. « Les choses ont mal tourné. Il y a eu une ghettoïsation larvée. Les autorités ont laissé en déshérence ces populations. Les bailleurs sociaux n’ont pas entretenu les résidences construites à la va-vite. » L’historienne ajoute, non sans une pointe d’ironie : « L’immigration est devenue un problème aux yeux de beaucoup de Français quand elle a accédé au ‘bon logement’. Quand les immigrés vivaient dans les bidonvilles, dans des hôtels ou dans des appartements minuscules et insalubres, le discours de l’extrême droite ne prenait pas dans l’opinion. »
Pour elle, la question du logement est donc centrale. Actuellement, elle soutient un collectif de chercheurs qui souhaite ouvrir un musée dédié à l’histoire du logement populaire des immigrés.
Marie-Claude Blanc-Chaléard sait toutefois que ce type de projet n’est jamais simple à réaliser. « Je faisais partie de la mission de préfiguration du musée de l’immigration de la porte Dorée à Paris. J’ai démissionné quand Nicolas Sarkozy a créé le ministère de l’Identité Nationale. Aujourd’hui, ce musée ne me convainc pas vraiment, je le trouve peu pédagogique. Sans la présence d’un guide, on n’apprend pas grand-chose. »