Du lycée professionnel Claude-Chappe de Nanterre au lycée Henri-IV à Paris – en passant par le lycée Joliot-Curie, la transition n’est pas des plus conventionnelles. C’est pourtant le chemin que Floryan Jourdan a choisi de suivre. L’histoire commence il y a cinq ans sur les hauteurs du Mont-Valérien. Après la classe de 3e, à l’heure où d’autres profitent d’une adolescence insouciante, Floryan décide de s’orienter vers la filière professionnelle pour entrer plus rapidement dans la vie active, et ainsi aider sa mère « à faire bouillir la marmite ». Au lycée Claude-Chappe, il se forme à l’électrotechnique, puis à la mécanique. Mais aucun de ces deux domaines ne répond totalement à ses aspirations. « J’avais en tête l’image du mécano passionné par la résolution d’une panne, comme un mathématicien peut l’être face à un problème d’arithmétique. Mais la réalité est tout autre : aujourd’hui, c’est l’ordinateur qui dicte le travail. Rien d’intellectuellement très satisfaisant. » Et de poursuivre : « Par contre, en travaillant sur des chantiers et dans les ateliers, j’ai rencontré des gens formidables dont les qualités humaines m’ont ouvert les yeux sur mes ambitions réelles. » À commencer par une évidence : il lui faut rejoindre « fissa » la filière générale. S’ensuit un parcours du combattant, « très peu emprunté dans ce sens-là, relève Floryan avec humour, mais heureusement soutenu et accompagné par les proviseurs. »
Accepté en filière technologique sanitaire et sociale, Floryan insiste pour intégrer la section scientifique, ce qui lui est accordé après un trimestre d’intégration en seconde générale. « Pour payer mes études, j’ai continué à travailler et j’ai même commencé à donner des cours particuliers. À prix modéré, car j’estime que tout le monde doit avoir accès au savoir. » À quelques semaines de passer son bac, Floryan finalise son orientation. Au premier rang de ses vœux, le cursus pluridisciplinaire d’études supérieures du lycée Henri-IV, une combinaison entre la classe préparatoire et le premier cycle universitaire. Le recrutement des étudiants est fondé sur la diversité des profils et la mixité sociale : 15 à 17 % d'entre eux sont issus de zones d'éducation prioritaire. Sa candidature est retenue. Floryan obtient son bac et, le 4 septembre, il franchit le porche du prestigieux établissement parisien. Un lycée ? Un sanctuaire, plutôt, digne de Poudlard. Dans la cour de l’ancien cloître, résonne un piano... « Aujourd’hui encore, j’ai du mal à réaliser », reconnaît Floryan. Certes, le programme académique est musclé et les codes sociaux ont changé, mais il s’accroche malgré les trois heures de transport quotidien. Son avenir, Floryan l’imagine sur les bancs de Normal sup : « Je veux devenir très bon en maths pour, plus tard, enseigner dans les lycées défavorisés. Rendre ce que l’on m’a donné. »
« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante », peut-on lire au fronton du Panthéon dont on aperçoit le dôme depuis la bibliothèque. « Aux élèves méritants, la République aussi », pourrait-on ajouter.