Quand Nicolas Samuelian a commencé à retourner la terre du champ de coquelicots coincé entre le boulevard Joliot-Curie et la rue Sadi-Carnot, il y croyait. « À chaque fois que je démarre un chantier de fouilles préventives, je ressens une émotion. Au premier coup de pelle, j’ai la petite étincelle dans l’œil. » Et les sous-sols de Nanterre ne l’ont pas trahi : au terme de deux mois de fouilles, les archéologues ont découvert soixante-quinze fosses sépulcrales et des squelettes d’enfants et d’adultes datant du Bas-Empire romain. L’exhumation de cette nécropole antique a également permis de mettre la main sur des petits objets en verre et en céramique. « Il s’agit d’un véritable cimetière structuré. La découverte est importante car la variété et le nombre de sépultures sont relativement rares en région parisienne. Ces sépultures s’imposent comme un site de référence dans l’Ouest parisien ! »
Désormais, la législation oblige les aménageurs à effectuer des diagnostics préventifs avant de bâtir. « Nous sommes parfois perçus comme des “emmerdeurs”. Mais à Nanterre, cela se passe bien. La municipalité nous donne les moyens de bien travailler et porte un réel intérêt à nos recherches. » Depuis une vingtaine d’années, l’activité s’est professionnalisée avec la création d’un établissement public : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). « Avant, les fouilles étaient l’affaire d’amateurs passionnés ou d’étudiants. Aujourd’hui, les diagnostics prévus par la loi sont confiés à des archéologues diplômés et salariés de l’Inrap. Pour les fouilles préventives qui s'ensuivent, il y a tout un marché concurrentiel avec des entreprises privées qui veulent partager le gâteau avec le public. » La trouvaille nanterrienne intéresse d’autant plus Nicolas Samuelian qu'il habite Nanterre avec sa petite famille depuis deux ans. Archéologue à l’Inrap, il se débrouille ainsi pour être présent sur tous les chantiers de fouilles programmés dans sa commune. « Dans la ville préfecture, les projets urbains sont nombreux. Du coup, nous effectuons régulièrement des diagnostics. En septembre, j’ai participé à une recherche sur le terrain de la Papeterie de la Seine, mais le diagnostic n’a rien révélé. » Prochainement, il devrait examiner le sous-sol du square de la rue Lebon. Et, comme beaucoup de parcelles du centre ancien, ce terrain doit sans doute dissimuler quelques trésors datant du Moyen Âge…
À Nanterre, les archéologues sont encouragés par les membres de la Société d’histoire (SHN), très attentifs à leurs découvertes. Nicolas Samuelian aime ces échanges. « Ils donnent du sens à mon travail. Les membres de la SHN sont très curieux et nous livrent un savoir précieux sur l’histoire de Nanterre. » Avec le développement urbain de la région parisienne, les prochaines années s’annoncent riches pour les archéologues. « Nous ne sommes plus à l’époque de la construction de La Défense où les sols étaient retournés sans ménagement, aucune fouille ne devant ralentir les projets des aménageurs. » Aujourd’hui, le patrimoine archéologique est davantage respecté. Les pouvoirs publics, et même certains aménageurs, ont compris l’enjeu, si bien qu’ils acceptent d’attendre sans broncher et de payer les fouilles.
Chercheur de proximité
Notre archéologue n’a pas opté pour un parcours universitaire, comme sa femme qui est rattachée à un laboratoire d’archéologie du CNRS. « Je n’ai pas le profil, même si j’ai soutenu ma thèse en 2013 sur un site archéologique à Jérusalem où l’on a trouvé des habitations datant de 13 000 ans. » Le Nanterrien préfère les missions courtes et vaque de site en site dans la région parisienne. Quand on lui demande d’où vient son goût pour les « vieilles pierres », il se souvient des nombreux voyages avec ses parents en Italie et en Grèce. À la maison, il y avait des tas de livres d’histoire. Son père tenait en effet la librairie de référence pour la diaspora arménienne de Paris. L’archéologie s’est imposée à lui après le bac. « Le métier d’archéologue n’est pas monotone. J’apprends sur chaque chantier et, en dix-sept ans de boulot, je n’ai jamais été blasé. » Il confie être régulièrement « touché » par ses découvertes. Celles de Nanterre l’ont passionné, comme ce qu’il a contribué à dévoiler dans le XVe arrondissement. « Nous étions sur un chantier au bord du périphérique dans le cadre d’un projet de déchèterie. Et soudain, nous avons mis la main sur des silex datant de 5 000 ans. » Voilà la magie de l’archéologie !