Ils font Nanterre

Rahma Chikh
Soif d’idéal

Écrit par : Guillaume Gesret

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« J’aime informer mes proches, leur dire que telle ou telle chose n’est pas acceptable et que des solutions sont possibles. »

Cette lycéenne de Joliot-Curie s’apprête à se rendre à la COP24 en Pologne pour développer ses actions en faveur de l’environnement. À l’aube de ses 18 ans, Rahma Chikh est également engagée dans la cause des femmes et celle des enfants. Qui a dit que les jeunes de notre époque étaient passifs et sans idéaux ?

Ses livres de chevet du moment sont Jamais sans ma fille et Brûlée vive. Rahma est bouleversée par ces témoignages de femmes, opprimées par la domination masculine et les lois sexistes. Pour réagir et ne surtout pas rester les bras ballants, la jeune fille est très active sur les réseaux sociaux d’où elle relaie les nouvelles du Groupe F, un site d’information qui recense toutes les injustices subies par les femmes dans le monde. « La condition des femmes dans certains pays me révolte. D’ailleurs, j’entreprends tout un travail sur l’Arabie Saoudite dans le cadre de l’atelier Sciences Po au lycée. » Ah oui, précisons-le d’emblée, Rahma est une excellente élève. Inscrite en sections européennes depuis le collège Paul-Éluard, elle s’impose toujours dans le peloton de tête des classes. En terminale S au lycée Joliot-Curie, elle fait partie du groupe d’élèves bénéficiant du programme d’égalité des chances de Sciences Po Paris, lequel lui permettra, peut-être, d’intégrer la prestigieuse école parisienne à la rentrée prochaine.

La jeune fille reconnaît qu’elle ne souffre pas de la misogynie sociétale ambiante dans sa vie quotidienne. Son père la laisse s’habiller comme elle veut, « contrairement à des cousines qui ne mettent pas un maillot de bain sur la plage ». Dans le quartier du Parc Sud où elle habite, Rahma porte des robes l’été sans se soucier de certains regards réprobateurs. C’est à l’école que notre lycéenne désespère parfois en écoutant les réactions des garçons machistes (ou un peu bêta) au sujet de l’avortement ou de l’homosexualité. « La déception est aussi venue d’une prof d’EPS qui m’a expliqué un jour qu’elle ne pouvait pas mettre plus de 16/20 à une fille à l’épreuve de handball, car si elle mettait un 19 à une fille, elle devrait mettre un 23/20 aux meilleurs garçons. »

LE FÉMINISME ET L’ENVIRONNEMENT, DEUX COMBATS CRUCIAUX
Le féminisme n’est pas son seul cheval de bataille. Mue par son intérêt pour les sciences, Rahma est convaincue du danger environnemental et de la nécessité d’agir – et maintenant. C’est pour cette raison qu’elle crée une association avec le soutien du service municipal de la vie associative. Elle espère rassembler des Nanterriens autour d’elle et de sa cause. Ce mois-ci, Rahma a obtenu une accréditation pour participer aux réflexions de la COP24 en Pologne. « J’y vais avec ma mère. Elle me paie les nuits d’hôtel et le transport durant quatre jours. Je compte nouer des liens avec d’autres bénévoles et des acteurs de l’environnement. » Avec son association, qui verra le jour dans les prochaines semaines, Rahma souhaite également sauvegarder une oasis dans sa région natale en Tunisie. Là-bas, au sud du pays, des industriels de la chimie polluent l’eau en exploitant le phosphate. « J’ai découvert ce scandale l’été dernier en rencontrant les membres d’une ONG qui protestent auprès du gouverneur de la région. J’aimerais les aider depuis la France. »

Toutes ces luttes, elle les partage avec sa mère, sensible à ses engagements. Elle-même, dans sa jeunesse, a appartenu à l’Union nationale de la femme tunisienne. « J’aime informer mes proches, leur dire que telle ou telle chose n’est pas acceptable et que des solutions sont possibles. » Certains de ses amis l’écoutent parfois, d’autres camarades ne font pas trop attention aux plaidoyers de celle qu’ils perçoivent comme Madame je sais tout. L’énergie de la jeunesse l’aide à ne jamais baisser les bras. Persuadée qu’elle ferait une bonne ambassadrice de l’Unicef, elle vient de déposer une candidature pour le devenir, et ainsi, mieux défendre les droits des enfants. La jeune fille entreprend en parallèle une autre démarche dans le but, cette fois, d’obtenir la nationalité française. « Je suis née en Tunisie mais j’ai grandi à Nanterre. Je me sens complètement française. » Dans quelques années, les papiers français lui seront certainement utiles car elle rêve d’une carrière au sein du pôle scientifique de la Gendarmerie nationale. « Si je n'entre pas à Sciences Po Paris, je suivrai une formation de biologie pour devenir une experte de la police scientifique. J’adore les faits divers, les enquêtes criminelles qui permettent d’arrêter des auteurs de viol… »