Ils font Nanterre

Portrait

Banlieusard et fier de l’être
Jammeh Diangana

Écrit par : Guillaume Gesret

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Il joue le rôle principal du film banlieusards, réalisé par Jery James, disponible sur Netflix depuis le 12 octobre. Ce Nanterrien, aussi discret que déterminé, raconte son parcours.

Avec sa silhouette de basketteur, Jammeh Diangana nous attend à la cafétéria de la bibliothèque universitaire de Nanterre. C’est là qu’il nous a donné rendez-vous. Le jeune homme de 21 ans étudie en licence des Sciences du langage dans l’espoir de devenir un jour CPE (conseiller principal d’éducation) dans un collège. Mais l’actualité l’extrait de sa réalité d’étudiant en ce moment. Le fi lm Banlieusards, réalisé par Kery James et Leila Sy, vient de sortir sur Netfl ix, il y tient l’un des trois rôles principaux. Celui de Souleymaan, un étudiant en droit qui refuse de tomber dans la délinquance à l’instar de ses deux frères.

Comme son personnage, Jammeh Diangana a grandi en banlieue, dans une « résidence tranquille » du quartier du Vieux-Pont à Nanterre. Il a décroché ce rôle après avoir rencontré Kery James à la Maison de la musique il y a deux ans. À l’époque, le rappeur présente sa pièce de théâtre À vif et se prête au jeu de la rencontre avec les jeunes des lycées de Nanterre. « Le feeling est passé entre nous et Kery m’a invité à passer le casting du film qu’il était en train de monter. » Jammeh venait alors de découvrir le théâtre au lycée Joliot-Curie dans un atelier animé par sa professeure. « Grâce à Madame Cannavo, j’ai joué le rôle principal d’une pièce que nous avons présentée au théâtre des Amandiers. Le jour de la représentation, j’ai adoré ressentir l’adrénaline monter en moi. »

Jammeh Diangana avait connu ce « bon stress » quand il foulait les parquets du championnat de France avec l’équipe minime de basket de l’ESN. « Être comédien et prendre la parole devant un public est une démarche encore différente. On est obligés de mettre toutes nos tripes sur le plateau. » Cette faculté à donner le plus profond de lui-même lui vaut l’appel de Kery James, quelques jours après le casting, alors qu’il croyait que « c’était foutu ». Il lui annonce au téléphone qu’il est pris dans le rôle de Souleymaan et que le tournage commence le lundi. « C’était un rêve, Kery est un modèle, je l’écoute depuis que je suis petit et j’adhère complètement à son discours sur la banlieue. » Pour autant, le Nanterrien ne crie pas sur les toits qu’il est en train de tourner le film à Champigny en septembre 2018. « Je suis quelqu’un de discret et un peu casanier. Mes copains l’ont découvert cet été sur Internet quand ils ont vu ma tête dans le clip de la musique du fi lm de Kery James et d’Orelsan. »

« Être sérieux dans ce que j’entreprends »

Sur le net, on découvre tout. Il suffit de taper son nom sur un moteur de recherche pour le voir déclamer dans le cadre du concours d’éloquence qui réunit tous les ans des étudiants de toute la France. « Quand je suis arrivé à l’université de Nanterre, j’ai rencontré Marwan Guediri de l’association Eloquentia qui m’a encouragé à tenter ma chance. » L’étudiant nanterrien remporte les six matchs de plaidoirie au sein du campus et se retrouve à représenter l’université de Nanterre lors de la finale nationale qui se déroule au Panthéon à Paris. Un cadre « hyper impressionnant » et devant un jury qui compte des personnalités qu’il admire, comme Lilian Thuram ou le cinéaste Olivier Nakache. « Cette expérience m’a ouvert de nouveaux horizons et m’a apporté beaucoup de confiance en moi. J’ai surtout compris que j’aimais toucher les gens au cœur en racontant de belles histoires. »

Dans Banlieusards, son personnage de Souleymaan participe lui aussi à un concours d’éloquence dans lequel il donne sa vision de la banlieue. « Moi qui ai grandi en banlieue, j’ai appris à me battre, avant tout contre moi-même. Certes il y a des inégalités fortes, c’est vrai que certaines fréquentations en banlieue peuvent tirer vers le bas, mais il faut se donner les moyens pour atteindre ses objectifs. Rien n’est impossible, il faut rester optimiste et déterminé. » Ces valeurs lui ont été transmises par ses parents, sa mère qui travaille dans les cantines des écoles à Nanterre et son père qui est aujourd’hui retraité. « Ma famille m’a appris à garder la tête sur les épaules et à être sérieux dans ce que j’entreprends. » Que ce soit pour la comédie quand il se rapproche des cours de Miguel Borras au conservatoire de Nanterre, ou pour les études quand il s’oblige à venir le plus souvent possible à la bibliothèque. Et pour financer ses études, le jeune homme de 21 ans s’assume en travaillant en tant qu’animateur en centre de loisirs à la Maison de l’enfance du Petit-Nanterre.