Ils et elles font Nanterre

Portrait

Marie-José Cattin, l'humain au cœur

Écrit par : Guillaume Gesret

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Marie-José Cattin

Elle a travaillé quarante-deux ans à l'hôpital de Nanterre au service des plus démunis, avant de devenir la responsable de l'antenne nanterrienne du Secours Populaire. Marie-José Cattin, mue par son engagement de terrain, est une figure de la ville.

À 20 ans, son baccalauréat lui permettait d’embrasser une carrière d’institutrice. Mais Marie-José Cattin ne suit pas ce chemin et décide, à la fin des années 1960, de rejoindre l’administration du Cash (centre d’accueil et de soins hospitaliers). « C’était l’endroit où je pouvais aider les exclus. L’héritage carcéral de la “maison de Nanterre” était épouvantable, la misère, le mauvais traitement, les résidents y perdaient toute dignité. » Elle s’investit corps et âme dans son travail. L’un de ses directeurs de l’époque l’interroge d’ailleurs un jour pour savoir si elle se considère comme une professionnelle de l’action sociale ou comme une militante. Marie-José répond du tac au tac : « Les deux ! »

Aux côtés des plus faibles

Cette femme de caractère ne craint ni la hiérarchie ni de sortir des clous lorsqu’il s’agit de défendre les plus faibles. Au Cash, tout le monde l’appelle Marie-Jo et la tutoie. Elle aussi tutoie les résidents, quitte à déranger certains collègues. Durant les années 1970, cette passionnée du champ social participe activement à la fondation du comité des hébergés qui donne la parole aux résidents du Cash. Elle fonde avec eux une troupe de théâtre, et se bat pour créer deux cafétérias ouvertes à tous. Au cours des années 1980, Marie-José prend la responsabilité du bureau des affaires sociales du Cash et y démêle les imbroglios administratifs des personnes accueillies. « Quand Michel Rocard, un homme que j’ai beaucoup admiré, a mis en place le RMI [revenu minimum d’insertion], j’ai monté un nombre considérable de dossiers. Même chose, quelques années plus tard, avec la CMU [couverture maladie universelle]. » Cadre de l’hôpital, elle préside la commission sociale pendant vingt-deux ans, une instance consultative du conseil d’administration de l’établissement de santé, où elle s’évertue à placer l’humain au cœur de la prise en charge.
Durant les années 2000, Marie-José prend fait et cause pour les sans-papiers et, dès qu’elle le peut, s’en va négocier en tête-à-tête avec le préfet des Hauts-de-Seine pour régulariser des Africains ou des Afghans. Sa ténacité et les résultats qu’elle obtient lui valent, à la fin de sa carrière, d’être nommée chevalier à l’Ordre national du Mérite. Sa médaille lui sera décernée par Michel Rocard, en personne, au Cash de Nanterre en janvier 2010.

Pas de retraite pour la solidarité

Jeune retraitée, Marie-José choisit le terrain associatif et se mobilise « naturellement » auprès du Secours populaire. « Je partage les valeurs de cette association : la solidarité, la laïcité. » Son tempérament la hisse très vite à la tête du collectif qui distribue des repas à près de 250 familles chaque semaine. Elle porte une grande attention à l’accueil des personnes qui se présentent au local du 13, place du Docteur Pierre. « Je ne suis pas là simplement pour distribuer des colis. Je suis dans l’humain et la rencontre, je prends le temps de discuter avec les bénéficiaires. » Afin d’étendre les rangs des bénévoles, Marie-José n’hésite pas à se faire seconder par des bénéficiaires. « Nous aidons beaucoup de demandeurs d’asile hébergés au Cada [centre d’accueil des demandeurs d’asile] qui n’ont pas le droit de travailler, alors je les invite à nous donner un coup de main. Cette activité les insère dans notre société, ils nous apportent leur richesse culturelle et servent souvent d’interprètes. » Elle nous raconte comment un groupe d’Albanais lui a grandement rendu service au cours des confinements. « Moi qui ai 74 ans et un mari à la santé fragile, je ne pouvais plus me rendre aux distributions à cause de la Covid. Ce sont les jeunes gens, des bénéficiaires, souvent sans-papiers, qui ont assuré le maintien de l’activité du Secours populaire pendant tous ces mois. »
Maintenant qu’elle a été vaccinée, au Cash bien sûr, cette grand-mère espère revoir vite ses six petits-enfants pour les serrer dans ses bras. Marie-José s’apprête à reprendre du service au local du Secours populaire. « Nous, on n’arrête pas les distributions au printemps », lâche t-elle. Elle ajoute avec beaucoup de lucidité et de modestie que son activité associative n’est pas juste un don de soi. « Vous savez, en échangeant avec les autres, on s’aide soi-même. »