Il y a soixante ans, au début du mois d’octobre 1961, dans le contexte de la guerre d’Algérie, un couvre-feu de 20h30 à 5h30 est décidé par le gouvernement de Michel Debré, avec l’approbation du président de la République de l’époque, Charles de Gaulle, pour les seuls « travailleurs musulmans algériens », comme les appelaient les partisans de l’Algérie française, de région parisienne. Décidés à lutter contre cette ségrégation, à l’appel du FLN, des milliers de femmes et d’hommes décidèrent légitimement de manifester le 17 octobre 1961, contre cette décision inique. Lorsque les 30 000 manifestants, dont 10 000 issus de la boucle nord des Hauts-de-Seine, convergèrent vers Paris, ils se heurtèrent à une police chauffée à blanc et encouragée à commettre des actes racistes par le funeste préfet de police de Paris, Maurice Papon, qui avait comme devise « pour un coup rendu, nous en porterons dix ». La suite des évènements restera à jamais une tache indélébile et pourpre dans l’histoire française, plusieurs centaines de morts dont les corps flottaient dans la Seine, ainsi que les centaines de disparus et les milliers de blessés.
Le bilan officiel ne fera part que de trois morts et d’environ soixante blessés. La censure des journaux nationaux et l’amnésie ont été organisées pour camoufler un crime d’État, laissant place à des parodies d’instructions judiciaires se concluant par des non-lieux. Pourtant, les photos de la soirée prises par Élie Kagan prouvent déjà qu’un mensonge d’État est en train de se créer. Le travail d’historiens, comme Jean-Luc Einaudi, d’associations, etc., contribua à révéler l’ampleur du massacre perpétré le 17 octobre 1961 et dans cette période. Il fut confirmé, en 1997, lors de la déclassification des archives de l’époque, qu’au minimum une centaine de manifestants ont été tués lors de la répression sanglante du 17 octobre 1961, jusque dans la cour de la préfecture de police.
Face à ce crime d’État, Nanterre, ville populaire, et terre d’accueil, ne peut oublier, ne peut délaisser cette terrible page de l’histoire. À Nanterre, les cortèges de plusieurs milliers d’Algériens venant des différents bidonvilles de la ville, de la rue des Prés, rue des Pâquerettes, celui de la Folie, etc., ont été victimes de cette répression policière sauvage, notamment sur le pont de Neuilly, où des dizaines de personnes ont été jetées dans la Seine. Après soixante ans de mensonges, de dénis, la France doit reconnaître le massacre du 17 octobre 1961, perpétué par l’État français à l’égard de centaines d’Algériens en Île-de-France. Ce n’est qu’ainsi qu’elle fera face à toute son histoire, y compris ses pages les plus sombres, et qu’elle permettra aux victimes et à leurs familles d’être enfin entendues, reconnues.
Il est d’autant plus important d’être vigilant face à la violence et à la discrimination qui s’imposent dans le débat public de nos jours ; face à l’intolérance et à la ségrégation, opposons notre diversité, notre humanisme et notre vivre- ensemble.
